Agromine : extraire des terres rares à l’aide de plantes

Nous le savons : certains métaux ou éléments deviennent critiques, en raison de la forte demande et de l’appauvrissement des ressources, ou encore pour des raisons géopolitiques. C’est le cas des terres rares, devenues essentielles dans les technologies actuelles, dont les principales réserves connues et exploitées sont en Chine. Or il existe des ressources secondaires, inexploitées, comme des sols ou des stériles miniers, susceptibles d’en contenir, à des teneurs très faibles.

L’agromine est une filière, largement développée en Lorraine, qui permet d’aller chercher des métaux ou éléments présents dans les sols, à l’aide de plantes particulières – les plantes hyperaccumulatrices – qui sont capables de les extraire et de les stocker. Cette technique permet également de récupérer les composés d’intérêts depuis les tissus des plantes pour fabriquer des produits d’intérêt industriel.

L’agromine est une solution fondée sur la nature et elle nécessite des connaissances et compétences en botanique et agronomie, d’une part, et en génie des procédés hydrométallurgiques, d’autre part. Plusieurs laboratoires membres du Carnot Icéel, en particulier le Laboratoire Sols et Environnement (LSE, UMR Université de Lorraine – INRAE) et le Laboratoire Réactions et Génie des Procédés (LRGP, UMR Université de Lorraine – CNRS) mènent des recherches depuis une quinzaine d’années sur ce thème, et ont démontré la faisabilité de l’agromine pour la récupération du nickel. Ces recherches se situent dans le contexte du GISFI et du LabEx Ressources 21.

REEcovery[1] : un projet Carnot dédié à l’agromine des terres rares

L’enjeu du projet Carnot REEcovery est d’apporter de nouvelles connaissances sur l’agromine dans le contexte de la récupération des terres rares (TR). L’exploitation des terres rares en Chine du Sud a laissé des stériles miniers, qui contiennent encore ces éléments, et sur lesquels se développent des plantes capables de les accumuler, comme la fougère Dicranopteris linearis (ci-contre).

Ces plantes ont été identifiées et étudiées par le Laboratoire International Associé « ECOLAND » qui rassemble le Laboratoire Sols et Environnement et une équipe de l’Université Sun Yat-sen de Canton (Chine).  

Cette fougère a démontré son efficacité en climat tropical, mais d’autres plantes, plus adaptées au climat tempéré, accumulent aussi les terres rares.

Par exemple, Dryopteris erythrosora, accumule 5 à 10 000 fois plus de terres rares que des espèces non accumulatrices. Enfin, Phytolacca americana a également démontré une forte capacité à accumuler les TR et son abondante biomasse en fait un candidat très prometteur pour l’agromine.

Le projet REEcovery rassemble des équipes de trois laboratoires, le LIEC (Laboratoire Interdisciplinaire des Environnements Continentaux, UMR Université de Lorraine-CNRS), le LRGP et le LSE. Son objectif principal est d’apporter de nouvelles connaissances scientifiques sur la valorisation des terres rares par agromine. Dans un premier temps, en étudiant les mécanismes d’accumulation de ces terres rares dans les plantes. Puis dans un second temps, en créant et en optimisant des procédés permettant d’extraire les terres rares des plantes, tout en dressant un bilan environnemental de la filière.


[1] L’acronyme REEcovery est formé à partir de « Rare Earth Elements » (Terres Rares) et Recovery (récupération)

Méthodes expérimentales

Pour étudier les mécanismes d’hyperaccumulation, les fougères Dicranopteris linearis et Dryopteris erythrosora, et la plante Phytolacca americana, préalablement sélectionnées, ont été cultivées sur des sols dopés en terres rares, en conditions contrôlées. Les terres rares ont été mesurées dans différents organes des plantes, à différents stades. Des analyses ont été effectuées également avec des techniques très précises, comme le synchrotron, pour déterminer la localisation des terres rares dans les plantes.

 
Pour la récupération des terres rares contenus dans les plantes, des procédés spécifiques ont été mis au point, fondés sur la compréhension des interactions chimiques dans les solides et les solutions. En résumé, les plantes sont brûlées et les terres rares sont extraites des cendres à l’aide d’une solution alcaline, puis récupérées à partir de cette solution.

Résultats

Ces recherches ont permis de démontrer la capacité des fougères à accumuler des terres rares, et à mieux comprendre les mécanismes et la localisation de ces éléments dans les plantes. P. americana n’a pas permis d’atteindre les concentrations espérées.

Concernant la récupération des terres rares, un procédé innovant a été mis au point, qui permet d’isoler ces éléments à partir des fougères, et de les séparer de l’aluminium, également accumulé et dont la chimie est proche de celle des terres rares.

Une étude économique sur l’agromine des terres rares est également proposée.

Ainsi, le projet REEcovery, associé au soutien du LabEx Ressources 21 aura permis d’acquérir des informations précieuses au plan scientifique et en vue de mettre en œuvre l’agromine des terres rares.


Pour aller plus loin :

  • Livre sur l’agromine : van der Ent A., Baker A.J.M., Echevarria G., Simonnot M.O., Morel J.L. Editors, Agromining: farming for metals, extracting unconventional resources using plants. 2nd Edition, Springer, 2021. hal-03079116⟩
  • Vidéos sur l’agromine :
  • Thèse de Bastien Jally : Expanding agromining to the Rare-Earth Elements: key elements of success from a chemical engineering perspective – Doctorat de l’Université de Lorraine (2022)