Art ancestral, le vitrail traverse les siècles, illuminant cathédrales et édifices emblématiques. Aujourd’hui, la science s’invite dans cet univers d’exception pour répondre aux défis techniques et environnementaux du XXIe siècle.

Parmi ces défis, la réglementation européenne impose une attention accrue à l’utilisation du plomb, un matériau historiquement employé pour l’assemblage des vitraux mais dont la toxicité pourrait entraîner une interdiction à moyen terme.

Les laboratoires du Carnot Icéel, en partenariat avec des artisans d’art et des experts du patrimoine, développent des solutions innovantes pour garantir la pérennité et l’évolution de cet héritage en anticipant ces contraintes.

Vers un vitrail sans plomb : le projet SUPLART

Le plomb, matériau traditionnellement utilisé pour l’assemblage des vitraux, est aujourd’hui en sursis en raison des risques sanitaires qu’il représente et d’un possible durcissement des réglementations européennes.

Afin d’anticiper ces évolutions et de protéger la santé des artisans, le Cerfav et la Halle des Matériaux, tous deux membres du Carnot Icéel, ont initié le projet SUPLART, financé dans le cadre du ressourcement scientifique du Carnot Icéel. Leur objectif : développer un alliage de substitution sans plomb, préservant les techniques de fabrication et la qualité esthétique des vitraux.

Les chercheurs du Carnot Icéel ont ainsi conçu des prototypes de baguettes alternatives testées au sein du Cerfav, en collaboration avec les artisans vitraillistes. Grâce à une approche mêlant expertise métallurgique et savoir-faire verrier, ces nouveaux matériaux conservent la gestuelle des professionnels et s’intègrent parfaitement aux méthodes de travail existantes.

Un premier vitrail sans plomb a déjà été réalisé, démontrant la viabilité de cette innovation.

Comprendre et ralentir l’altération des vitraux

Outre la question du plomb, la préservation des vitraux passe par une meilleure compréhension des phénomènes d’altération du verre. En partenariat avec le laboratoire GeoRessources et le CRITT TJFU, le Cerfav mène des recherches pour analyser les mécanismes de vieillissement des verres anciens et proposer des solutions permettant de prolonger leur durée de vie.

Ces travaux, financés par le Carnot Icéel pour anticiper les besoins des industriels, sont essentiels pour améliorer la conservation préventive des vitraux historiques, en identifiant notamment les facteurs d’usure et en développant des traitements adaptés.

« Comprendre l’altération des vitraux, c’est proposer des solutions adaptées aux restaurateurs et aux industriels du patrimoine. Les vitraux médiévaux subissent, au fil des siècles, l’effet de l’eau de pluie et des agents polluants atmosphériques, entraînant une opacification progressive des verres. Ce phénomène altère non seulement leur esthétique, mais aussi leur capacité à diffuser la lumière.

Grâce à ces recherches, nous œuvrons à prolonger la vie de ces œuvres historiques tout en développant des verres plus résistants aux agressions du temps. Nous explorons un procédé innovant de restauration, davantage optimisé que les méthodes actuelles des maîtres verriers. Une avancée essentielle pour préserver et sublimer ce patrimoine lumineux. » Jérôme Sterpenich

Nanotechnologies et lumière : une révolution pour la couleur des vitraux

À Troyes, berceau de la Cité du Vitrail, le laboratoire L2n UMR7076 (Université de Technologie de Troyes & CNRS) explore une approche novatrice en associant nanotechnologie et science de la lumière.

En collaboration avec la Manufacture Vincent-Petit, experte en restauration et création de vitraux, le L2n étudie l’interaction entre les nanoparticules et la lumière afin de mieux préserver comprendre les couleurs de la peinture sur verre l’éclat des couleurs  à travers le temps.

Ces recherches explorent de nouveaux nanomatériaux pour les vitraux en observant les techniques anciennes et vise à l’amélioration des techniques de fabrication à l’échelle nanométrique…

« Cette collaboration exploite les connaissances en nanofabrication et en nanocaractérisation du L2n et l’expertise dans le verre et sa coloration ainsi qu’en restauration du côté de la Manufacture Vincent-Petit » Christophe Couteau Directeur du laboratoire Lumière, nanomatériaux & technologies.

Sauvegarde des gestes et transmission du savoir-faire

En plus des matériaux et procédés, la préservation du patrimoine culturel immatériel verrier passe par la transmission et l’apprentissage des gestes techniques fonctionnels. Le projet [G]host, qui réunit chercheurs (sciences de l’informatique, sciences sociales) et artisans, vise à documenter et modéliser les savoirs d’actions (par exemple le vitrail), contribuant  à la sauvegarde de ce patrimoine immatériel.

En combinant captation numérique analytique et ingénierie pédagogique, cette initiative permet une meilleures connaissances des savoir-faire tacite des maitre verrier afin de mieux les accompagner vers les défis contemporains.

« L’enjeu du projet [G]host est d’expérimenter des méthodologies et des outils numériques innovant capable d’améliorer la transmission et l’apprentissage des gestes précis des artisans d’art. En tentant de modéliser une partie de ces savoir-faire, nous permettons dans un premier temps leur préservation numérique, mais aussi d’inspirer les industrielles à les intégrer dans des processus de fabrication plus complexe . » David Arnaud Project Manager au Cerfav et créateur du projet [G]host.

Le Carnot Icéel, un acteur clé pour l’innovation patrimoniale

À travers ces projets, le Carnot Icéel démontre son engagement à faire dialoguer science et patrimoine, en mettant la recherche au service des métiers d’art. En développant des solutions innovantes, en accompagnant les artisans et en anticipant les évolutions réglementaires, ses laboratoires contribuent activement à la préservation et à l’évolution du vitrail, un héritage précieux que la science permet de réinventer sans le dénaturer.